Le système d’Enseignement supérieur et de Recherche français est l’objet de nombreuses réformes qui entrainent une remise en cause de sa gouvernance, de ses modes de fonctionnement, de ses stratégies.

Les opérations Campus et Investissements d’avenir, visant à faire émerger des pôles universitaires d’excellence de niveau international, actent bien les forces et les faiblesses de la région. La mondialisation de l’économie induit de fait une mise en compétition dans le domaine de l’innovation. De tous temps, la recherche fondamentale a été placée dans une compétition internationale – qui n’exclut pas les collaborations. La formation n’y échappe pas. La dimension internationale devient aujourd’hui primordiale pour tous les établissements qui veulent gagner une notoriété et attirer les étudiants (français ou étrangers). De plus, l’émergence de l’économie de la connaissance crée un marché international sur la formation des futurs cadres internationaux et universitaires professionnels (enseignants et enseignants/chercheurs).

Les acteurs régionaux l’ont compris et ont choisi de s’impliquer dans la construction de nombreux projets sous peine de voir l’enseignement supérieur et la recherche des Pays de la Loire ne plus vraiment exister, à terme, comme acteur de premier plan. L’enjeu est important quand on sait aujourd’hui le lien étroit entre développement économique et recherche. Le succès incomplet apparu lors du concours national des Investissements d’Avenir a attisé cette réflexion.

C’est l’objet de ce rapport du CESER des Pays de la Loire qui fait de nombreuses propositions, mettant l’accent notamment sur la nécessité d’une plus grande ouverture à l’international et d’une véritable stratégie interrégionale.

Pour demain être un acteur et non un simple observateur.

 

Améliorer la réussite des jeunes Ligériens

S’interroger sur le devenir de l’enseignement supérieur ligérien dans le système universitaire mondial, c’est d’abord questionner son rôle sur son territoire.

 L’impact du bac pro

Répond-il aux principales attentes des Ligériens ? Accueille-t-il tous les jeunes qui ont le potentiel pour mener des études supérieures ? Les Pays de la Loire souffrent d’un apparent paradoxe : un taux de réussite au bac supérieur à la moyenne nationale (+3,7%), mais en ce qui concerne la poursuite en études supérieures un taux inférieur (-3%). Cet écart s’explique principalement par le poids des bacs professionnels dans notre région. Alors comment améliorer l’accès et la réussite des étudiants ligériens ? Le CESER demande donc que la Région et l’État diligentent des analyses statistiques fines qui permettraient d’améliorer l’orientation vers l’enseignement supérieur, orientation résultant trop souvent d’une sélection par défaut (deux primo-étudiants sur cinq !).

 Renforcer les parcours spécifiques

En effet, chez les bacheliers généraux possédant les pré-requis pour entrer en licence universitaire, il existe une stratégie visant à faire des études dans les filières IUT et BTS puis à continuer en licence générale ou en écoles d’ingénieurs ou de commerce. Ainsi de nombreux bacheliers ne peuvent intégrer ces formations bac+2 et s’inscrivent dans le premier cycle universitaire, ne pouvant obtenir l’orientation qu’ils souhaitent et qui correspondait le mieux à leurs acquis antérieurs.

Pour permettre aux bacheliers technologiques et professionnels d’accéder aux IUT et BTS, une politique préférentielle doit donc être appliquée en fonction des filières. Le CESER s’interroge d’ailleurs sur les différences réelles entre licences universitaires et DUT, et propose d’étudier, pour certaines formations, la création d’une filière unique comportant une option renforcée. Les dispositifs d’intégration des bacheliers d’origine défavorisée doivent à cet égard être renforcés par l’État et la Région.

 La promotion des études scientifiques est un enjeu pour le développement futur de l’économie française, et particulièrement ligérienne. Elle doit notamment s’exercer auprès des filles qui s’y engagent peu alors que leur réussite scolaire et universitaire est meilleure que celle des garçons.

 Favoriser les relations avec le monde professionnel

Les relations entre l’enseignement supérieur et le monde professionnel s’améliorent mais elles restent encore en deçà des enjeux. Les enseignants devraient mieux connaître la vie des entreprises.

 Ces dernières doivent sans a priori intégrer les compétences dont elles ont besoin en puisant dans le vivier de jeunes diplômés. Les initiatives déjà nombreuses doivent être amplifiées, via notamment l’organisation de portes ouvertes, l’édition d’annuaire en ligne pour identifier les professionnels de l’entreprise et de l’enseignement et de la recherche et améliorer la communication entre eux, le rapprochement avec des clubs d’entreprises, etc.

 Multiplier les occasions de rencontre

La possibilité pour les étudiants d’effectuer des stages en entreprise doit être facilitée, par une meilleure organisation des programmes et des emplois du temps.

De même la formation continue (en alternance ou non, avec ou sans VAE, validation des acquis et de l’expérience) doit être largement développée. Les évolutions culturelles et organisationnelles qu’implique la VAE n’ont pas été suffisamment intégrées par les universités. Et la région souffre dans ce domaine d’un retard important qu’il est urgent de combler.

 Mieux connaître les besoins en emploi de niveaux I et II

Les différents acteurs régionaux pourraient aussi agir en amont et décider d’éventuelles implantations de formation dans un bon maillage territorial.  De même, un bilan du crédit impôt recherche en Pays de la Loire sur le recrutement de jeunes chercheurs dans les entreprises régionales serait un précieux outil d’analyse.

La Région doit également s’appuyer sur deux leviers existants pour atteindre ces objectifs, à savoir la promotion du dispositif CIFRE (Convention Industrielle de Formation pour la Recherche) auprès des PME, et le dispositif VIE (Volontariat International en Entreprise), réponse concrète aux besoins de PME qui souhaitent mettre en place une stratégie internationale.

Permettre la réussite des étudiants ligériens et plus largement français et développer l’international sont des défis qui doivent être relevés de front.

L’enjeu des étudiants internationaux

Le développement international est une priorité qui exige un plan d’action immédiat, concomitant aux autres actions en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche.  Le marché de la connaissance s’internationalise, avec un nombre croissant d’étudiants qui choisissent d’effectuer leurs études en dehors de leur pays d’origine : ils seront 8 millions en 2020 contre à peine 3 millions en 2008. Pour le CESER, les Pays de la Loire doivent se positionner fortement sur cette croissance, pour de multiples raisons.

Une ouverture pour les étudiants nationaux

Cette stratégie d’accueil profite d’abord aux étudiants nationaux, qui ainsi travaillent dans un environnement international, pratiquent couramment les langues étrangères, élargissent leurs connaissances culturelles, se constituent des réseaux, etc.

La présence d’étudiants étrangers constitue également une valeur ajoutée pour les entreprises ligériennes qui peuvent prendre en charge leur formation pour les embaucher à l’issue de leurs études soit en France, soit dans leur pays d’origine dans le cadre d’un développement commercial ou industriel à l’international.

La dimension économique directe est réelle pour les pays qui font payer la formation dispensée : les États-Unis et le Royaume-Uni reçoivent les deux tiers des 23,5 Md€ de droits d’inscription payés chaque année par les étudiants internationaux. À cela s’ajoute les frais annexes d’hébergement, de nourriture, de loisirs estimés entre 10 000 € et 15 000 € par an et par étudiant.

Faciliter la mobilité des étudiants

Pour poursuivre le développement des formations de Masters à vocation internationale, un dispositif spécifique de soutien pourrait être mis en place par la Région qui prônerait également la mise en place d’un dispositif national.

Pour permettre la mobilité sortante du plus grand nombre d’étudiants ligériens, notamment les plus modestes, la Région, bien que déjà très dynamique, devrait développer davantage encore les programmes d’aides, notamment en faveur des étudiants boursiers.

Pour permettre la mobilité entrante d’étudiants étrangers prometteurs venant de pays de niveau de vie inférieur à celui de la France, la Région devrait développer encore davantage les programmes d’aides notamment aux niveaux Master et Doctorat.

Accompagner les établissements

Le rapport du CESER met en évidence que le développement international résulte d’un choix stratégique, qui implique tous les niveaux de l’établissement. Il exige la mise en place de dispositifs favorisant le départ des étudiants et l’accueil d’étudiants étrangers, des missions de recrutement auprès des universités étrangères, un enseignement dispensé en anglais, des passerelles avec les activités de recherche des établissements, des collaborations avec un réseau d’universités partenaires, une politique de promotion des formations de niveaux Master et Doctorat, etc.

Pour accompagner la stratégie internationale des établissements dans la mise en place de partenariats en formation et recherche, la Région devrait lancer un appel à projets sur des collaborations bilatérales (en recherche et/ou formation) permettant la mobilité sortante des enseignants-chercheurs et des doctorants.

Promouvoir les atouts des Pays de la Loire

Dans une région reconnue pour son dynamisme et son cadre de vie attractif, le CESER propose la création pour les étudiants étrangers d’un Pass culture international et d’un Pass Transport international Pays de la Loire. La qualité de vie du cadre offert à ces étudiants passe aussi par une augmentation importante du nombre de logements qui leur sont destinés.

Les Pays de la Loire : peut mieux faire

Si le nombre d’étudiants étrangers a presque triplé depuis une dizaine d’années, l’université publique des Pays de la Loire n’est pourtant pas la plus attractive de France, loin s’en faut. Avec 13,5% d’étudiants étrangers, la région est en deçà de la moyenne française (15,5%).

Pour un maillage territorial équilibré et dynamique

Pour atteindre l’objectif d’un maillage territorial harmonieux et efficace de l’enseignement supérieur, la Région, notamment à travers le Schéma régional de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, et le Pôle de Recherche et d’Enseignement Supérieur de l’Université Nantes Angers Le Mans (PRES L’UNAM) doivent proposer une offre couvrant l’ensemble des disciplines. Avec un souci de proximité pour les BTS, les licences et les masters.

 L’offre est complétée par des masters spécialisés propres à chaque université. Une bonne collaboration entre Universités et Grandes Écoles est nécessaire à la réussite de cet objectif.

Pour conforter et développer l’enseignement supérieur dans les villes moyennes, il est indispensable de l’adosser à des laboratoires existants, reconnus et en lien avec le monde économique.

 Pour augmenter le poids politique du PRES L’UNAM, la Région doit l’appuyer dans son rôle de coordination de projets régionaux et de promotion de l’enseignement supérieur et de la recherche ligérien. Le CESER souhaite également que les divers investissements d’avenir obtenus irriguent l’ensemble des filières ligériennes.

Structurer sans tarder

Pour se positionner nationalement sur les Sciences socio-économiques et humaines (SSH) et en Agronomie/Agro-alimentaire, la Région doit, sans tarder, aider à leur structuration.

Concrétiser un axe Pays de la Loire – Bretagne…

Même si des résultats probants ont été obtenus (2 IRT, 1 SATT, 1 IHU prometteur, 15 Labex, 9 Equipex), les Investissements d’Avenir ont montré que la seule dimension régionale, voire interrégionale ne suffit généralement pas. L’échec du projet d’IDEX IC Ouest interrégional Bretagne–Pays de la Loire en est la meilleure preuve.

Le CESER demande donc que soit élaboré un accord de politique interrégionale à moyen et long terme pour l’enseignement supérieur et la recherche, via une concertation avec les diverses collectivités impliquées dans les deux Régions.

 …avec les diverses collectivités impliquées dans les deux Régions

Un projet interrégional « Bretagne-Pays de la Loire » pourrait s’articuler sur les universités de plein droit (Angers, Brest, Le Mans, Lorient-Vannes, Nantes, Rennes). Les axes Nantes-Rennes et Nantes-Brest pour certaines disciplines joueraient un rôle moteur dans cette structuration qui doit toutefois alimenter les autres villes universitaires des deux régions.

Financement : trouver des ressources alternatives

Si le système universitaire français veut être reconnu à l’international, l’effort financier engagé doit être amplifié. Dans la situation budgétaire actuelle, l’État ne pourra pas assurer seul le rattrapage.

Aussi, pour donner des moyens supplémentaires directs aux établissements d’enseignement supérieur, des ressources alternatives doivent être recherchées, à la charge de l’État, de la Région, des entreprises, des familles françaises, des étudiants étrangers. Ainsi, le CESER demande que soit étudié le renforcement de la modulation des droits d’inscription entre les années de licence et les années de master. En plaçant les droits d’inscription de master au double de ceux de licence, soit une augmentation de 150 € pour les 22 000 étudiants de master des universités publiques des Pays de la Loire, cela donnerait une ressource supplémentaire de 3,3 M€. Moyennant un changement de réglementation, une modulation des droits d’inscription selon les ressources des étudiants et de leurs familles pourrait également être envisagée, avec le souci d’une équité de répartition des charges selon les ressources.

Attractivité interrégionale

Si la Région attire de nombreux étudiants, elle en perd davantage, avec le taux de sortie le plus élevé des huit grandes régions étudiantes en France. Au 9e rang des régions de métropole, la région enregistre donc un solde migratoire négatif, notamment avec l’Île-de-France et dans une moindre mesure avec Rhône-Alpes, Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon.  Le renforcement de l’attractivité des établissements d’enseignement supérieur de la région auprès des étudiants ligériens est un enjeu majeur.

 

 

Cette contribution a largement alimenté les débats lors des Assises Nationales de l’Enseignement Supérieur le 26 novembre 2012.

 Ce rapport a été voté en session plénière le 8 octobre 2012 par 61 voix pour, 29 contre, 9 absentions.