Anticiper les politiques régionales de demain au regard de ce qui est souhaitable et réalisable. C’est l’objectif visé par le CESER en réponse à une demande du président du Conseil régional sur les enjeux démographiques et la qualité du cadre de vie en Pays de la Loire à l’horizon 2040.
S’appuyant sur les projections démographiques disponibles, le CESER s’est appliqué à dessiner le schéma des priorités de demain à anticiper aujourd’hui en matière de qualité de cadre de vie dans le domaine social. L’étude explore ainsi les grandes questions liées au logement, à l’emploi, à l’enfance, au vieillissement, au lien social, à l’accès aux services… À partir de priorités constatées ou extrapolées, il s’agit de proposer des réponses concrètes, parfois inspirées d’innovations à modéliser.
La région aujourd’hui
Pour imaginer les politiques à mener demain afin de garantir une qualité du cadre de vie, il faut jeter un regard attentif sur la région d’aujourd’hui.
Les grands indicateurs démographiques traduisent son dynamisme, avec le taux de fécondité le plus élevé en France, une pyramide des âges relativement équilibrée, un solde naturel en progression et un solde migratoire très positif, une densité de population offrant une marge de progression importante.
Pour autant même une région dynamique n’est pas épargnée par les réalités moins encourageantes que sont la pauvreté et les inégalités territoriales. Même si les Pays de la Loire sont sur ces points en-dessous des moyennes nationales, il n’en reste pas moins qu’une partie non négligeable de la population les subit de plein fouet. Un chiffre pour illustrer cela : en 2009, le niveau de vie des 10 % de la population les plus modestes baisse de 0,8 % par rapport à 2008. Sur d’autres points, la région est en revanche bien au-dessus des moyennes nationales : taux de suicides, consommation d’alcool, accidentologie.
Outre les indicateurs démographiques, le CESER a également intégré à ses recherches la démarche sur les nouveaux indicateurs de richesses menée par la Région et les enseignements qui en sont issus.
Les données prospectives disponibles mettent en avant une forte progression de la population : 910 000 habitants de plus qu’en 2007 pour toutes les tranches d’âge. La population de la région en 2040 ne sera ni vieille ni jeune, elle sera équilibrée, ce qui tend à démontrer la nécessité d’une politique intergénérationnelle renforcée. Le vieillissement de la population va s’accentuer avec une progression importante. La tranche des 90-99 ans augmenterait de 40 % d’ici à 2040.
Les atouts démographiques des Pays de la Loire
Évolution de la population
- 1900 : 2,4 millions d’habitants / Aujourd’hui : 3,6 millions
- 2040 : 4,4 millions (+26% par rapport à 2007)
Fécondité
- 2,13 enfants par femme, taux le plus élevé de France.
Densité de population
- Aujourd’hui : 110 habitants au km2 (3 fois moins que dans la région Nord Pas-de-Calais)
- 2040 : 128 habitants au km2
Nombre de personnes seules
- +2,2% depuis 1999 : 31,7% de la population.
Pauvreté
- 11,2% de la population de la région vit en dessous du seuil de pauvreté (13,5% au national).
Pyramides des âges : le dynamisme régional la progression de la population reste équilibrée malgré un fort accroissement de la part des personnes de plus de 70 ans. La pyramide des âges de la région en 2040 est dynamique, en forme de tour.
Le défi des solidarités intergénérationnelles
Le vieillissement est souvent réduit à la question de la protection sociale, à la prise en charge de la dépendance. Quant aux séniors, bien qu’encore en capacité d’activité, ils sont souvent laissés de côté par un marché de l’emploi qui les déprécie.
Étrangement, les mêmes excès d’appréciations touchent les jeunes générations et plus spécialement les 15/25 ans. Comme si la population adulte avait oublié sa propre jeunesse et sa propre responsabilité.
L’enfance et la jeunesse : une chance pour l’avenir
L’enfance doit être protégée. L’accès à l’éducation, aux loisirs, mais aussi l’accueil de l’enfant doivent être développés pour permettre aux parents, aux mères en particulier, de concilier vie familiale, professionnelle et sociale.
La région des Pays de la Loire présente une forte prédominance des places en accueil chez des assistantes maternelles que les politiques de demain doivent veiller à professionnaliser plus encore. Leur formation initiale pourrait être confiée au Conseil régional, en charge de la formation professionnelle. Par ailleurs, pour faire face aux spécificités territoriales, il faut aussi élargir et revisiter les offres d’accueil, par exemple en multipliant les modes de gardes itinérants ou ceux à horaires décalés.
Face à l’augmentation des divorces ou séparations, la médiation familiale, qui permet de maintenir le lien et la communication entre adultes et enfants, est une réponse constructive à ces évolutions de la structure familiale.
« Pour un pacte social plus solidaire »
Alors pourquoi ne pas changer le regard : envisager jeunes, séniors et personnes âgées comme une ressource, une chance, un capital plutôt que comme une charge ? Pourquoi ne pas transformer le risque en opportunité, imaginer un nouveau pacte social plus solidaire et attentif à toutes les générations ? Le vieillissement peut être actif, voire productif, et la jeunesse, loin d’être passive, déborde d’imagination et de volonté, encore faut-il l’accompagner dans sa conquête de l’autonomie et de la citoyenneté, et sa découverte du monde !
Préconisation : L’ensemble des dispositifs à destination des jeunes et leur mise en cohérence trouveraient leur traduction par la création d’un fonds régional. Une dotation mutualisée permettrait de couvrir une durée d’études de trois à cinq ans. Elle ne concernerait pas que les seuls étudiants mais offrirait aussi une « seconde chance » aux salariés qui auraient quitté le système éducatif sans qualification reconnue et qui souhaiteraient entreprendre ou reprendre des études.
Les séniors, une force plutôt qu’un poids
Dans un rapport sur « L’allongement de la durée de la vie », le CESER appelait en 1999 à faire évoluer notre vision de la vieillesse en intégrant l’idée qu’une santé plus longue offre de formidables perspectives et à inventer un nouveau cycle de vie dans lequel chacun pourrait s’épanouir pour le plus grand bénéfice de la société.
Répondant à cette orientation, le Gérontopôle s’est fixé pour mission de développer et soutenir la recherche et l’innovation dans l’amélioration du cadre de vie des séniors. Dans cet esprit, le CESER préconise une nouvelle exploration du lien social, et du lien intergénérationnel.
Le lien entre générations est une chance pour tous. Transmission des savoirs, partage de temps de loisirs (séances de lectures pour enfants par des aînés, ateliers, jardins partagés) sont autant de vecteurs de liens et d’épanouissements mutuels.
Beaucoup de métiers veillent désormais à tenir compte des besoins des personnes âgées, pour aménager les espaces publics, les logements… mais aussi dans le domaine du design, du tourisme…
S’appuyer sur le tissu associatif
Le tissu associatif s’impose comme une base solide et inventive pour tisser ces nouveaux liens. Bien que bousculé par des dépenses publiques de plus en plus contraintes et une évaluation omniprésente, le monde associatif du secteur social reste toujours très dynamique et innovant.
Préconisation : La création d’un observatoire des associations est ainsi préconisée. Il permettrait de mieux identifier les besoins sociaux, de développer les partenariats avec les institutions publiques et d’accompagner les mutations et innovations.
Le défi des « centres de vie »
Le territoire et ses équilibres doivent être au cœur des politiques en matière de logement. Un logement, c’est un lieu de vie. La notion « d’habiter » pourrait être mise au cœur des politiques en matière d’habitat. Elle regroupe les préoccupations de déplacements, d’accès à la santé, aux services, aux loisirs, de rencontre entre voisins, de solidarités de proximité, de sécurité. Il faut penser « centre de vie » plutôt que quartier, commune ou centre urbain.
Le logement pour tous, un objectif à atteindre
Le logement est un enjeu majeur. Pour faciliter l’accès au logement des plus précaires, l’intermédiation locative, les baux glissants, seront développés. Les résidences sociales se multiplieront. Et si l’accession à la propriété continuera d’être soutenue, les nouveaux accédants devront être mieux accompagnés et informés quant aux charges à venir et à la valeur du bien à la revente. Tous propriétaires ? La formule continue de séduire. Posséder son logement et en particulier sa maison reste un objectif et parfois un rêve pour la majorité des ménages, mais pas vraiment toujours compatible avec les contraintes de développement territorial.
L’équilibre de demain impose de limiter l’étalement urbain dans un souci de développement durable qui appelle plutôt une densification des territoires, en particulier dans les zones urbaines et les départements de Loire-Atlantique et Vendée. Ce sont ces territoires qui concentreront la plus forte progression de leur population. Dans ce contexte, l’offre locative devrait être renforcée pour répondre aux besoins grandissants de logements notamment dans le parc social, ce qui implique un plan de construction et une optimisation du parc existant.
Préconisation : Les décohabitations dues à l’âge, à l’évolution de la structure familiale, imposent de mieux adapter les logements aux besoins : intégrer la colocation, l’habitat partagé avec services et salles communes. Enfin, il convient d’expérimenter des formes d’habitat groupé coopératif, qui intègre des clauses anti-spéculatives. Les coopérateurs ne sont ni locataires, ni propriétaires, mais détenteurs de parts sociales dans la coopérative. Tout comme les contraintes budgétaires impliquent de se mobiliser pour la réduction des factures d’énergie.
Accès aux soins pour tous et partout
Les évolutions en matière de santé s’annoncent nombreuses et certaines se font déjà ressentir : c’est le cas pour la démographie des professionnels de santé, qu’il faut suivre, évaluer et accompagner.
L’enjeu sera d’accompagner leur remplacement dans la limite de la liberté d’installation des nouveaux professionnels. Ce sont les zones rurales et périurbaines qui seront les plus impactées par ces évolutions démographiques, les jeunes médecins s’installant davantage à l’hôpital qu’en libéral.
Parallèlement, le vieillissement, l’accroissement du nombre de maladies chroniques exigent un accès aux soins efficient, quel que soit le territoire, et une modification de leur prise en charge.
Préconisation : Il serait dès lors utile d’évaluer le modèle économique des maisons de santé, et d’explorer toutes les formes de regroupements offrant de nouveaux modes d’exercice. Parmi ces formes, le développement de la télémédecine. L’étude argumente en faveur de la création d’une plate-forme de télésanté.
Garantir un équilibre territorial
L’équilibre territorial apparaît comme un enjeu transversal des politiques à mener dès maintenant. Il s’agit de garantir à chacun des Ligériens un accès, outre aux soins, aux services publics de proximité, à la culture et aux loisirs.
L’étude rappelle également qu’en matière de proximité les commerces sont attendus par la population. Dans le sondage Ipsos/CESER de 2009, pour 27% des personnes interrogées, ce sont les commerces de proximité qui faisaient le plus défaut.
Loisirs et culture pourraient être développés en milieu rural, par de jeunes actifs qui, sur ces territoires, manquent d’activité. Il faudrait leur proposer des aides à l’investissement.
Les services publics de proximité et les services administratifs, porteurs de liens et acteurs de cohésion sociale, pourraient être regroupés en services locaux multifonctions. Une sorte de guichet unique traiterait des questions liées à l’emploi, à l’orientation des personnes âgées, à la vie associative, au logement… à l’image des actuels Pimms, points information médiation multiservice. Pour y parvenir, la mutualisation des moyens entre services public s’impose et doit être soutenue.
Préconisation : Dans cet esprit, la desserte du numérique doit être effective dans tous les territoires de la région afin d’éviter les ruptures d’accès à l’information et à la communication.
Prendre soin des siens et de l’environnement
L’observatoire régional de la santé (ORS), avec son baromètre santé des jeunes, nous rappelle que dans la région les jeunes consomment plus d’alcool qu’au niveau national. Et ce sont les ivresses massives (consommation ponctuelle de quantités importantes) qui progressent de manière inquiétante.
Parallèlement, l’étude rappelle quelques chiffres concernant les conducteurs victimes graves d’accident de la route. Les 18/24 ans en représentent presqu’un tiers et les 25/34 ans un quart.
Pour prévenir efficacement, pour sensibiliser de manière juste, sans jugement porté sur ces jeunes, l’étude propose de s’inspirer d’expériences menées, sur le terrain, par des « veilleurs de nuit », une équipe mobile de prévention et de réduction des risques. Il ne s’agit pas de dire : « Ne bois pas ». Mais plutôt d’informer sur « Sais-tu ce qui peut se passer si tu bois trop ? ».
Autre fléau, qu’il faudrait mieux comprendre pour mieux le combattre : le suicide. Il reste fort dans la région, même s’il diminue pour certaines tranches d’âge.
Le CESER constate qu’aucune étude approfondie, qualitative n’a été menée, or elle pourrait compléter les connaissances quantitatives que fournit l’ORS, pour mieux localiser les lieux d’écoute et d’accompagnement.
Préconisation : Enfin, il est préconisé de mesurer l’impact de notre environnement quotidien et de ses perturbations sur la santé humaine dans le cadre d’un programme régional de recherche. Quelle est la corrélation entre les polluants de tous ordres, pesticides, métaux lourds, effets cocktail…, et les allergies, risques de maladies chroniques et dégénératives ?
Répondre aux besoins dans le secteur sanitaire et social
Il conviendrait d’achever le diagnostic sur les besoins en métiers du médical, du social et du médico-social, puis mettre en regard les formations nécessaires. Il faudrait encourager les expérimentations de nouveaux métiers du social par de nouvelles formations afin de favoriser le lien entre les générations.
Vers un statut de l’aidant
Et puis dans cette notion de prendre soin, il s‘agit, dans un contexte de vieillissement de la population, d’aller encore plus loin dans le soutien des aidants naturels ou familiaux via des formations plus répandues et pourquoi pas vers un statut de l’aidant afin de lui assurer plus de sécurité, lui qui est confronté à une prise en charge de son proche souvent très lourde et sur la durée, le rendant souvent victime d’épuisement.
L’avenir se dessine aujourd’hui
Toute cette étude du CESER s’inspire du désir d’un avenir plus équitable, et finalement réaffirme la nécessité de s’investir dans des politiques publiques toujours plus volontaristes, inversant si besoin les tendances actuelles de développement si celles-ci doivent mener à plus d’individualisme égoïste et à moins de solidarités. La région porte en elle les graines de l’équilibre et du bien vivre ensemble, aux politiques de les faire s’épanouir.