Croissance de la consommation : les énergies renouvelables ne suffiront pas

Attractive et dynamique, la région des Pays de la Loire voit ses besoins en énergie continuer à croître. Si l’essentiel de la demande reste satisfait par les ressources énergétiques classiques, les énergies renouvelables devraient jouer un rôle non négligeable d’ici à 2020 notamment pour absorber une partie de la hausse des consommations.

 Le parti pris de cette étude est de se centrer sur la seule région Pays de la Loire, considérant que ces modes de production renouvelables s’inscrivent objectivement dans une logique de « circuits courts » production – consommation. Il est évident que la région n’est pas isolée et que les réseaux interconnectés de gaz et d’électricité assurent et assureront pour l’essentiel, la couverture des besoins énergétiques de la région.

 Consommations et productions énergétiques à la hausse

Que la croissance du PIB soit atone ou dynamique d’ici à 2020, les besoins en énergie des Pays de la Loire évolueront de manière sensible. L’Insee prévoit l’arrivée de 31 000 nouveaux habitants chaque année entre 2008 et 2020 portant la population à près de 3,9 millions d’habitants dont 1,6 million de ménages.

Pour compenser ces évolutions, il faut continuer à progresser en termes d’efficacité énergétique. De fait, la région présentait une intensité énergétique (1) de 87,2 tep (2)/M€ en 2008, bien meilleure à la moyenne française (hors Île-de-France : 99,4 tep/M€). Une hypothèse posée par le CESER serait d’atteindre 84 tep/M€ en 2020.

(1) : L’intensité énergétique est un indicateur qui précise la quantité d’énergie finale consommée pour produire un million d’euros de PIB.

(2) : Tep : Tonne équivalent pétrole.

La facture énergétique

  • + 45 % : augmentation de la facture d’électricité d’un ménage type consommant 8,5 MWh par an, soit 875 euros en 2011 et, sur la base d’une consommation identique, 1 307 euros en 2020. Si la France présente les coûts du MWh facturés parmi les plus bas d’Europe, des augmentations sensibles sont à prévoir d’ici à 2020. Selon le Sénat, la facture des ménages pourrait même progresser de 50% du fait des investissements à prévoir dans la filière nucléaire, du développement des EnR et du renforcement nécessaire des réseaux de transport et de distribution.
  •  + 30 % : évolution de la facture annuelle de gaz d’un ménage type consommant 17 000 kWh de gaz pour ses besoins de chaleur, entre mai 2006 et janvier 2012 (de 850 euros à 1 100 euros). Tout en étant indexés sur les prix du pétrole, les prix du gaz ne progressent pas autant car ils restent réglementés par les pouvoirs publics. Il est pourtant probable qu’ils poursuivent leur hausse dopée par une demande soutenue dans le monde (+1,5% par an d’ici à 2030), malgré l’exploitation de gaz dits non-conventionnels (dont les gaz de schiste).

La croissance continue des besoins en énergie

Selon les trois scenarios de croissance envisagés par le CESER d’ici à 2020, la demande en énergie ne cessera de croître.

Une faible progression du PIB (+0,5% par an) sera accompagnée d’une hausse de 5% de la consommation d’énergie par rapport à 2012. Avec une production en forte hausse, la part des énergies renouvelables (EnR) dans les besoins énergétiques passerait de près de 9% actuellement à 14% en 2020. Ce niveau restera en-deçà des engagements européens prévoyant qu’un quart de la consommation d’énergies soit assuré par les EnR. Mais le CESER précise que le manque de grand hydraulique pénalise les Pays de la Loire. Le taux de couverture de la croissance des consommations bondirait à 338%, sous l’effet notamment de la mise en service du parc éolien offshore de Guérande, mais ce résultat est à relativiser puisqu’il s’appuie sur une croissance « en berne ».

Le deuxième scénario évalue qu’avec une croissance du PIB un peu plus soutenue (+1,5% par an), la consommation d’énergie progresserait de +13% et la part des EnR évoluerait de 8% à 13%. Le taux de couverture des croissances des consommations atteindrait 105%. Enfin, avec une croissance du PIB de +2,5%, la consommation d’énergie bondit de 22%. Si la part des EnR reste assez semblable dans ce scénario (12%), en revanche le taux de couverture de la croissance des consommations s’effondre à seulement 44%.

 Même si la part des EnR dans le mix énergétique régional progresse significativement dans la décennie, 85 à 88% des besoins de la région resteront assurés par les productions d’énergies classiques : électricité, gaz et produits pétroliers. Leur progression sera également liée à leur capacité à devenir compétitive économiquement dans un marché où le prix des énergies, quelles que soient leurs origines, sera en progression inexorable.

 Les alternatives énergétiques

L’essor des énergies renouvelables

Entre 1999 et 2008, la consommation d’énergie finale d’origine renouvelable dans la région a progressé d’un quart, essentiellement grâce à la croissance des réseaux de chaleur, l’émergence de l’éolien terrestre et des agrocarburants. Toutefois, le cumul des diverses formes de renouvelables ne représentait en 2008 que 7,43% de la consommation énergétique des Pays de la Loire contre 12,65% en France.

 Biomasse, éolien et solaire en pointe

Fort heureusement, les perspectives de développement des énergies renouvelables dans les Pays de la Loire d’ici à 2020 s’avèrent multiples. Parmi les ressources offrant le plus de potentiel, se trouvent la biomasse, l’éolien et le solaire. En matière de biomasse énergie, l’utilisation du bois (à encourager) doit toutefois privilégier un approvisionnement au plus près des lieux de consommation. Le biogaz issu de la méthanisation des déchets organiques (ménagers, agroalimentaires) offre un important potentiel encore peu exploité. De même, des objectifs très ambitieux de production d’énergie via le développement des réseaux de chaleur sont attendus, en croissance en 50% d’ici à 2020.

 Éolien à l’horizon 2020

En matière d’éolien terrestre, le CESER estime plus probable d’atteindre en 2020 une puissance installée de 1 380 MW (soit une croissance de 100 MW par an) plutôt que l’objectif retenu par la Région de 1 750 MW. En revanche, une production de 2 000 MW en 2030 semble atteignable. Quant à l’éolien off-shore, seuls les 5 parcs du premier appel d’offre de l’Etat seront en service en 2020 générant 6 000 MW dont 480 MW pour le banc de Guérande. Entre 2020 et 2025, il faudra ajouter celui des deux îles entre Noirmoutier et l’île d’Yeu (500 MW).

 Solaire : avantage au photovoltaïque

En complément au solaire thermique qu’il faut continuer à développer dans les Pays de la Loire, le photovoltaïque devrait connaître un fort développement si toutefois la réglementation en matière de rachat de l’électricité se stabilise. Ainsi, une production de 850 MW supplémentaires en 2020 pourrait provenir des toitures de logements individuels et collectifs, des toitures d’autres bâtiments et des centrales au sol.

 Défis énergétiques de la région à 2020

L’étude du CESER montre que la couverture des seules croissances des consommations énergétiques régionales par les énergies d’origines renouvelables ne sera effective au mieux qu’à la fin de la décennie et probablement au début de la prochaine décennie. Aussi, le CESER émet un certain nombre de préconisations, pour absorber la croissance des besoins en énergie, au premier rang desquelles figure la réduction des consommations.

 

Pour une politique énergétique durable, les préconisations du CESER :

Progresser vers la sobriété et l’efficacité énergétique

  • Le CESER considère qu’avant même d’investir dans de nouveaux équipements de productions énergétiques, il faut donner priorité à la rénovation des parcs de logements et de tertiaire existants.
  • Il soutient l’ambition de la région de s’engager sur un programme de réhabilitation de la moitié de ces parcs d’ici à 2020 afin de réduire de façon significative leurs consommations unitaires et moyennes d’énergie. Outre les bénéfices directs pour les occupants de ces bâtiments (confort, réduction des factures, valorisation du patrimoine), un tel programme permettrait de créer ou de maintenir 25 à 30 000 emplois dans le secteur du bâtiment, emplois que la Région devra accompagner par la mise en place de formations qualifiantes correspondantes.
  • Pour contribuer au financement de ce grand programme, le CESER suggère d’aller vers une gestion régionalisée du dispositif des Certificats d’Economie d’Energie.

 Exploiter toutes les ressources locales

En matière d’énergies renouvelables, le maître mot est d’exploiter tous les atouts de la région pour tirer profit au maximum des ressources locales effectives ou potentielles.

Le développement de l’éolien à terre et en mer doit être poursuivi. Pour cela, il est souhaitable que les dispositifs réglementaires évoluent pour lever les freins tant financiers que d’acceptabilité de manière à équiper l’ensemble des zones favorables définies par les schémas régionaux de l’éolien à terre. Après le parc off-shore du banc de Guérande, l’attribution rapide du parc « des deux îles » permettra de conforter la filière industrielle en émergence sur la région et d’ouvrir des perspectives prometteuses à l’international pour ses acteurs.

Enfin les Pays de la Loire peuvent devenir la région pilote dans les Énergies Marines Renouvelables avec la plateforme SEM-REV du Croisic, qui permettra d’expérimenter de nouveaux prototypes de récupération d’énergie comme les éoliennes flottantes ou les machines houlomotrices…

 Mieux intégrer le solaire dans la construction

L’équipement des logements neufs en eau chaude sanitaire solaire doit être systématique de même que celui des logements anciens réhabilités, quand c’est possible.

L’intégration de capteurs photovoltaïques doit être encouragée financièrement et par l’adoption de contraintes architecturales spécifiques.

Une attention particulière devrait être portée aux entreprises de la région qui innovent dans ce domaine : cellules photovoltaïques à haut rendement, modules photovoltaïques à récupération de chaleur, couches minces, capteurs photovoltaïques organiques… Il y a là des éléments susceptibles de conférer à la région une position originale dans cette filière.

Enfin, le développement du solaire sera d’autant plus important que les politiques de soutien nationales et régionales seront stabilisées et donneront de la visibilité aux acteurs de la filière.

 Passer des agros aux biocarburants

Productrice et importatrice d’oléagineux, la région a pris une position significative dans la production d’agro-carburants de première génération, en s’appuyant sur les compétences en raffinage et trituration des graines présentes dans l’estuaire.

Il apparaît toutefois que ces productions sont condamnées à moyen terme au bénéfice des biocarburants de deuxième génération (paille, taillis à courte rotation…) et de troisième génération à base de microalgues.

 Biocarburants à partir de microalgues

Pour préserver la position et les emplois de la région dans ce secteur, il faut inscrire le territoire dans les recherches et expérimentations en cours ou à venir sur la deuxième génération et investir dans la réalisation d’un pré-démonstrateur de production de biocarburants à partir de micro-algues sur la base de la technologie prometteuse développée par le GEPEA (Génie des procédés environnement agroalimentaire) à Saint-Nazaire.

 Compteurs intelligents et relais domotiques

La généralisation progressive des compteurs intelligents va ouvrir de nouvelles perspectives, à la fois dans la gestion des réseaux de distribution d’électricité et de gaz et dans celle des équipements des foyers grâce aux relais domotiques associés.

 Les consommateurs disposeront ainsi d’informations leur permettant de mieux maîtriser leurs consommations et de réduire les factures correspondantes. Les gestionnaires de réseaux seront, eux, mieux à même de valoriser les productions locales en fonction de leur disponibilité.

Le CESER suggère qu’on expérimente ces nouveaux dispositifs avec les gestionnaires ERDF et GRDF, sur différentes échelles de territoires (lotissement, quartier, communes, départements…) pour en mesurer les bénéfices, anticiper les mesures accompagnatrices nécessaires (aide à la prise en main par les utilisateurs, dispositifs de suivi et d’évaluation…) et en évaluer les risques (vigilances sur la mise à disposition des données relatives aux consommateurs).

Pour un aménagement des territoires économe en énergie

La recherche de l’efficacité énergétique passe aussi par la prise en compte des aspects énergétiques dans l’aménagement des territoires. Les études d’impact énergétique et de mobilité devraient systématiquement être conduites pour tous les nouveaux programmes de logements et de locaux d’activités.

Les règlements d’urbanisme devraient dissuader la réalisation de places de parking pour les locaux d’activités situés à proximité d’une desserte de transport en commun.

 Le CESER préconise la création d’une Agence Régionale des Mobilités pour encourager le travail collaboratif entre les autorités organisatrices de transport, afin de mieux coordonner les articulations entre les différents réseaux, de faciliter l’accès des usagers à l’information, de construire des tarifications combinées… Cette agence aurait aussi pour mission d’élaborer une « charte de cohérence urbanisme et transports » dont l’objectif majeur serait de densifier les zones desservies, notamment par les réseaux ferrés maillant le territoire.

En matière de performance énergétique des transports collectifs, la région doit maintenir sa volonté d’être exemplaire en testant des techniques nouvelles, permettant d’économiser l’énergie, à l’instar du TER Rayon Vert, équipé de capteurs photovoltaïques qui alimentent certains éléments auxiliaires du train.

Enfin, s’agissant du fret, le CESER renouvelle son souhait de mise en place de mesures incitatives facilitant le transfert de la route vers le fer et le fluvial. Il insiste, en outre, sur la nécessaire réinscription de l’Ouest français dans les schémas européens de fret.

Soutenir la Recherche

Les programmes de Recherche et Développement relatifs à l’énergie dans la région sont aujourd’hui fédérés au sein de PERLE2 (Pôle d’Excellence de la Recherche Ligérienne En Energie) et gagnent ainsi en cohérence.

Au-delà du soutien déjà apporté à ces programmes par la Région, le CESER préconise de structurer un axe particulier autour du stockage de l’énergie : stockage électrochimique gros volumes, stockage électrochimique stationnaire réparti dans l’habitat et sur le réseau, stockage embarqué pour la récupération d’énergie sur les équipements de transport ou de manutention, stockage de l’hydrogène à partir des productions d’énergies renouvelables intermittentes, stockage inter-saisonnier de chaleur…

Pour générer les dynamiques souhaitables sur cet axe, le CESER préconise de lancer des appels à projets auprès des chercheurs concernés sur le stockage électrochimique gros volumes et sur la deuxième vie des batteries des véhicules électriques pour le stockage stationnaire réparti dans l’habitat et sur le réseau.

 Une politique énergétique régionale partagée

Le CESER préconise la création d’une conférence régionale permanente de l’énergie réunissant toutes les parties prenantes autour de la Région : État, acteurs de la production, du transport et de la distribution d’énergie, ainsi que les organisations de consommateurs et d’usagers. Les bénéfices d’une telle conférence seraient multiples : partager les diagnostics, définir des scénarios, proposer et accompagner des expérimentations de natures diverses, suivre l’évolution des consommations et des productions régionales, informer et sensibiliser le grand public sur la maîtrise de la demande, les énergies renouvelables, la sécurisation de l’alimentation électrique…